Dr Christophe Grosset et Présidente Sylvie Le Dilly

Regards croisés sur les cancers pédiatriques

A l'occasion de la Journée internationale du cancer de l'enfant, rencontre avec le Dr Christophe Grosset, Directeur de Recherche à l'INSERM et Sylvie le Dilly, Présidente de la Fondation Groupama.

Dr Grosset, vous œuvrez depuis de nombreuses années contre les cancers pédiatriques. Groupama Centre Atlantique et la Fondation Groupama vous soutiennent dans cette lutte. Vous avez récemment annoncé une grande avancée de vos travaux sur l’hépatoblastome, un cancer du foie chez l’enfant. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Dr Christophe Grosset : Au sein de l’Institut d’Oncologie de Bordeaux, l’équipe MIRCADE (Méthodes et Innovations pour la Recherche sur les Cancers de l’Enfant) dont j’ai la responsabilité étudie trois types de tumeurs chez l’enfant : le gliome infiltrant du tronc cérébral, les tumeurs de Wilms (cancer des reins) et l’hépatoblastome (cancer du foie) qui peuvent toucher les enfants à partir de 3 mois. On sait que ces tumeurs ont une origine embryonnaire et découlent de la mutation de certains gènes. En revanche, nous ignorons encore quand ces mutations apparaissent.

Grâce au soutien combiné de Groupama Centre Atlantique et de la Fondation Groupama, nous essayons de découvrir l’origine de l’hépatoblastome et à quel moment de la gestation la tumeur pourrait se développer après mutation d’un gène.

Sylvie le Dilly, en tant que Présidente de la Fondation Groupama dédiée aux maladies rares, pourquoi vous paraît-il important de soutenir la recherche sur les cancers pédiatriques ?

Sylvie le Dilly : Les cancers pédiatriques font partie des maladies rares. Ils représentent moins de 1% des cancers en France. Malheureusement, les fonds alloués à la recherche sur ces tumeurs très rares sont insuffisants, alors qu’ils sont la première cause de décès par maladie chez les enfants. En tant que Fondation dédiée à la lutte contre les maladies rares, il nous paraît indispensable de soutenir la recherche sur les cancers pédiatriques.

Pourquoi est-il important de développer de nouvelles solutions thérapeutiques dans le traitement des cancers pédiatriques ?

Dr Christophe Grosset : Les cancers pédiatriques ont longtemps été traités comme des cancers d’adultes ou de séniors, sans tenir compte des particularités physiologiques des enfants, ni de leur âge. En effet, le fonctionnement de l’organisme et sa sensibilité à un traitement évoluent selon l’âge.

En l’absence d’autres possibilités de traitement, certaines tumeurs inopérables et envahissantes sont traitées avec des doses élevées de chimiothérapie. Ceci n’est pas sans conséquences sur l’organisme des jeunes enfants et entraîne un risque réel de rechute à l’âge adulte. C’est pourquoi il est primordial de trouver d’autres pistes thérapeutiques moins toxiques. Nous étudions donc ces tumeurs pour mieux les connaître et nous testons des médicaments déjà existants, qui ont fait la preuve de leur efficacité sur d’autres pathologies mais dont l’action est méconnue sur les tumeurs du foie, des reins ou du cerveau chez l’enfant.

Sylvie Le Dilly : En France, 500 enfants décèdent chaque année d’un cancer. Un enfant qui a survécu à un cancer a perdu vingt à trente années d’espérance de vie à cause des traitements qu’il a reçus. Ces chiffres suffisent à justifier l’importance impérieuse qu’il y a à rechercher de nouvelles solutions thérapeutiques.

En quoi le soutien de Groupama a-t-il été déterminant pour vos travaux ?

Dr Grosset : L’équipe a déposé deux brevets en 2021. L’un de ces brevets a abouti à un partenariat industriel avec une start-up du médicament, qui avait elle-même déjà développé son propre médicament pour les enfants atteints de sarcome. Nous sommes donc très vite tombés d’accord pour travailler ensemble. Le brevet n’est qu’une première étape dans le développement d’un médicament et seuls les industriels ont les compétences et les connaissances requises pour lever des fonds et fabriquer un nouveau médicament. Nous nous félicitons donc de ce partenariat public-privé.

Sylvie Le Dilly : Le soutien apporté au projet du Dr Grosset pour ce seul projet s’élève à 100 000 euros sur trois ans et a permis le recrutement d’une doctorante en thèse. Il a été possible grâce à l’appui de la caisse régionale Groupama Centre Atlantique qui a co-financé le projet aux côtés de la Fondation Groupama.

Dr Grosset, les espoirs sont donc tournés vers la découverte d’un médicament. Peut-on espérer un médicament dans les prochaines années ?

Dr Grosset :Un médicament est long et très coûteux à développer. Les trois grandes étapes seront la création d’une formulation pharmaceutique, des tests sur des souris en laboratoire puis des études toxicologiques pour valider le médicament avant la clinique et s’assurer que celui-ci n’a pas d’effets toxiques avant une utilisation clinique. Il faudra ensuite obtenir l’agrément des autorités de santé avant de le proposer aux enfants.

Les besoins de financements pour mener ce type d’études sont estimés entre 15 et 25 millions d’euros dans un contexte où les subventions allouées à la recherche sur les cancers pédiatriques sont faibles. Le partenariat très prometteur que nous venons de signer avec la start-up devrait faciliter les levées de fonds nécessaires à ce projet et nous permettra de poursuivre nos travaux, avec l’espoir d’aboutir à un médicament d’ici 2030. Et oui, c’est un processus très long mais nécessaire pour garantir la sécurité des patients.

Dans tous les cas, je veux remercier très sincèrement Groupama Centre Atlantique et la Fondation Groupama pour leur soutien, sans lequel les espoirs thérapeutiques actuels n’auraient pas été possibles !