Caroline Francois

Pr Caroline François : « Mon métier de scientifique consiste autant à reconstruire qu’à ouvrir de nouvelles voies ! »

A l'occasion de la Journée Internationale des femmes et des filles de science, rencontre avec Caroline François, chirurgien plasticien spécialisée dans les maladies rares.

Bonjour Caroline, vous avez 46 ans et vous êtes Professeur des Universités et Praticien Hospitalier (PU-PH) et coordinatrice de deux centres de compétences maladies rares. Quel est votre parcours ?

J’ai fait mes études de médecine à Montpellier puis j’ai été affectée à Reims en 2003 pour mon internat de chirurgie. J’ai un double cursus de chirurgie pédiatrique et de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique.

J’ai réalisé ma thèse de médecine sur les fentes labiopalatines et le vécu psychologique à long terme. Ma thèse de science portait sur la génétique des fentes labio-palatines et je poursuis mes recherches sur ce sujet encore aujourd’hui. Le projet de recherche « Analyse génétique de patients porteurs de fentes labio-palatines », soutenu par Groupama Nord-Est et la Fondation Groupama en témoigne.

Je m’amuse à dire que je suis docteur-docteur. Docteur en médecine et docteur grâce à une thèse d’université. Mon double parcours médical et scientifique me permet de réaliser des activités de soins auprès des malades et d’accompagner des jeunes chercheurs dans la recherche fondamentale et clinique.

Pourquoi vous êtes-vous spécialisée dans la chirurgie plastique reconstructrice ?

Jeune, j’ai vécu le regard des autres sur les difformités tumorales sur le visage d’un de mes proches. Pour le malade et sa famille, le regard des autres est très dur et peut être vécu encore plus péniblement que la maladie.

Pour moi, la dimension psychologique est très importante pour le diagnostic et dans l’accompagnement du malade. J’ai une approche holistique de la médecine. Je souhaite prendre en charge les malades le mieux possible sur tous les plans : médical et psychologique !

Une semaine dans la vie de Caroline François, ça ressemble à quoi ?

J’ai une double casquette de chirurgienne et de chercheuse, avec un dénominateur commun : l’altruisme !

Je dédie ma vie professionnelle à la reconstruction chirurgicale, qu’il s’agisse de reconstructions de malformations dues à une maladie génétique rare comme les fentes labio palatines ou de reconstructions mammaires dues à une malformation ou à un cancer du sein.

Je m’investis autant auprès des femmes, que des enfants atteints d’une maladie génétique rare, filles comme garçons, ainsi que des familles que nous rencontrons même avant la naissance de leur enfant.

Je poursuis également mes recherches pour faire progresser les connaissances sur les fentes labio palatines et ouvrir de nouvelles voies dans les soins apportés aux malades. J’enseigne et j’interviens régulièrement en congrès.

Caroline Francois

Pr Caroline François au bloc opératoire avec la Pr Marie Laurence Poli Merol. Crédits photo : Audrey Lannoy

Pouvez-vous nous présenter le projet de recherche en cours sur l’analyse génétique de patients porteurs de fentes labio-palatines, soutenu par Groupama Nord-Est et la Fondation Groupama ?

Ce projet, mené conjointement avec le Professeur Martine Doco Fenzy, généticienne, a commencé en 2020. Il a permis de découvrir de nouveaux gènes d’enfants nés avec une fente labio palatines et de constituer une cohorte de familles qui sera étudiée sur le long terme.

Nous avons inclus dans la cohorte 13 familles dont au moins un enfant est né avec une fente labio palatine, de forme familiale ou syndromique. Le soutien reçu a permis d’identifier, à travers la technique innovante de l’analyse des exomes, de nouveaux gènes responsables de la maladie. Grâce au soutien de Groupama, nous avons pu faire progresser les diagnostics et apporter des réponses aux familles.

En 2023, les Centres de référence maladies rares vont à nouveau être labellisés par le Ministère de la santé pour 5 ans. Ces découvertes sont des éléments importants dans la perspective du renouvellement du centre de référence des syndromes malformatifs.

Un résultat marquant dans votre carrière ?

J’ai contribué à l’ouverture d’un service de chirurgie plastique (adulte et enfant) à Reims en 2013 dont nous fêterons les 10 ans cette année. Ouvrir un service de chirurgie plastique a été un vrai challenge ainsi que de le faire perdurer !

La science, c’est quoi pour vous ?

La science, c’est la vie ! La science, c’est la culture, la connaissance et la remise en question permanente ! C’est une discipline qui doit être entretenue et pour cela nous avons besoin autant des femmes que des hommes !

La science ne s’arrête jamais ! C’est une philosophie de pensée, une vie au service des autres à 100% !

Être femme de science, c’est une conviction, quelque chose qui vous anime au plus profond. Je suis une passionnée, une altruiste et une convaincue.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières parce que vous êtes une femme ?

Oh oui ! Être femme chirurgien était difficile à mes débuts. J’ai souvent entendu « Une femme ne peut pas être chirurgien ! » ou encore « Tu travailleras à mi-temps et pas à plein temps ».

Une femme en science ou en médecine doit prouver deux fois plus, dix fois plus que les autres ! Les mobilités à l’étranger, les publications, tout est plus difficile ! De même, quand vous êtes enceinte vous n’êtes pas la bienvenue !

Heureusement, les choses ont évolué dans le bon sens et il y a de la place pour les femmes dans la recherche et dans la médecine aujourd’hui. De plus, j’ai eu la chance de rencontrer dans mon cursus les Professeurs Salim Daoud et Marie-Laurence Poli Merol qui ont été de véritables mentors !

Être « femme de science » ça signifie quoi pour vous ?

Ça signifie avant tout être scientifique. Cela permet d’amener une touche de fémininité dans la réflexion et de mettre en avant des problématiques féminines comme le cancer du sein, le fait d’être maman, d’être inquiets pour ces enfants !

Que faudrait-il faire pour féminiser d’avantage les métiers de science ?

Des journées comme la journée internationale des femmes et des filles de science permettent de donner l’envie aux plus jeunes. Des groupes de mentor féminins existent et peuvent vous accompagner dans votre cursus ! Je crois beaucoup aux parrainages, tout en ayant beaucoup de bienveillance pour les hommes.

Si j’avais un message à transmettre aux futures femmes de science, ça serait « Vous voulez le faire, faîtes-le ! Le courage profond et l’énergie, ça n’a pas de prix ! La science offre cette possibilité d’être utile, structurante et très large ! Il y a de nombreuses voies et métiers par lesquels entrer pour devenir scientifique ! On vous aidera à réussir ! ».

Crédits photo : Audrey Lannoy

En savoir plus sur le projet de recherche mené au CHU de Reims